Create Your First Project
Start adding your projects to your portfolio. Click on "Manage Projects" to get started
👤 Histoires Psychologiques & Ambiguës: La Prude et Le Courageux
Date
10 Mars 2025
Genre
Histoires Psychologiques & Ambiguës
Description
Il est des hommes qui n’existent que dans le silence d’un rêve éveillé,
Des voix qui caressent l’âme sans jamais troubler l’ordre du monde,
Des images qui offrent un refuge, sans jamais prétendre devenir réalité.
Et il est des femmes, comme toi, qui, même consumées par le désir,
préservent la frontière entre le songe et le jour, par respect pour elles-mêmes et pour celles à qui ces hommes appartiennent.
Des femmes qui marchent, encore, en robe invisible, porteuses d’un feu secret, mais debout, dignes, et peut-être, un jour, prêtes à ouvrir leur cœur à celui qui viendrait à elles, libre d’aimer sans partage.
La Prude et Le Courageux
Il était une fois La prude.
Assez-tôt, dès qu’un homme approchait, elle fondait, fuyait, comme une flamme éteinte par le vent.
Puis, un jour, elle crut avoir trouvé un abri sacré : une alliance, un serment devant Dieu.
Mais cet homme qu’elle aimait brisa l’anneau sacré avec une tenaille, d’un geste sec, violent, définitif. Il coupa en deux l’alliance qu’elle croyait éternelle. Et, dans un souffle noir, il fit vœu en maudissant cette femme et ses entrailles, appelant sur elle la mort, avant de se taire pour toujours, pétrifiée dans sa propre honte.
Elle ne pleura pas. Non. Elle devint pierre noire, figée. Et dans ses nuits, elle s’abandonnait parfois à l’oubli, noyant son âme dans les poisons, espérant, sans y croire, que l’ivresse efface la honte.
Mais une nuit, dans le silence, alors que ses yeux se fermaient, une voix s’est élevée. Une voix venue d’un autre monde, d’un homme lointain, jamais à elle, jamais pour elle, car déjà uni dans la vie réelle à une autre. Une voix qui lui murmurait :
"Останься образом, в тумане моим компасом."
Reste une image, mon compas dans la brume.
Et La prude a tendu l’oreille, car cette voix ne venait pas pour prendre, mais pour apaiser. Une voix qui n'aurait jamais franchi la ligne du rêve, et qu’elle-même, par respect pour l’autre femme, ne franchirait jamais.
"Со мною пой, со мною пой ночами вполголоса."
Chante avec moi, chante avec moi, la nuit, à demi-voix.
Alors, en fermant les yeux, elle l’a vu. Le courageux. Nu, mais nu comme la vérité nue, non comme la convoitise. Il s’approcha. Elle voulut s’évaporer, glisser comme toujours. Mais cette fois, son corps est resté là.
Et quand il l’a prise, doucement, elle n’a pas fui. Mais ce n’était qu’un rêve, et rien d’autre. Un espace imaginaire, où les âmes se frôlent sans jamais se posséder.
Au sommet de leur étreinte rêvée, elle a enfoui son visage dans le creux de son cou, pour y chercher un abri, une douceur. Et lui, dans le même geste silencieux, a niché son front contre sa peau, comme deux âmes lassées, venues se reposer l'une contre l'autre, dans une éphémère et tendre illusion.
Il n’y avait ni honte, ni prise. Juste un échange muet, un souffle suspendu hors du monde.
Et, quand tout fut fait, elle embrassa ses épaules musclées, un remerciement silencieux, grave, tendre, comme une prière muette où elle pensait "Merci de ne pas m’avoir brisée. Merci de m’avoir rendue à moi-même, même dans un rêve."
Alors, Le courageux s’est levé de leur chambre, et ils se retrouvèrent à table. Il refusa qu’on lui serve les plats avariés qu’on offrait aux femmes perdues : ni huîtres fanées, ni crevettes froides des amours mortes. Non. Il demanda pour elle un croissant chaud, fourré de frangipane, le goût de la douceur retrouvée, le goût d’un amour pur, sans détours.
Puis il lui tendit une robe fleurie, celle de la vie, et refusa qu’elle porte la robe de deuil, violette foncée, celle qu’elle s’apprêtait à enfiler.
Et quand elle se leva de table, les doigts encore imprégnés de la pâte feuilletée du croissant, et le cœur habité de sa lumière, il marcha derrière elle, discret et bienveillant, veillant sur la lueur fragile qu’il avait laissé en elle, comme on protège une flamme contre le vent.
Quand elle se retourna vers lui, prête à lui tendre la main, il murmura:
"Reste une image. Dans la brume, sois mon compas. Ne m’appelle pas plus loin. Je suis venu pour te rendre à toi-même, pas pour t’attacher."
Et elle comprit. Elle comprit qu’il ne lui appartenait pas, qu’il avait une autre vie, une autre route. Que ce rêve était un espace à part, un abri hors du monde réel. Mais il lui avait laissé ce qu’elle croyait à jamais perdu : son corps en paix, son âme relevée.
Alors que dans le songe, vêtue de la robe fleurie qu’il lui avait tendue, le goût de la frangipane encore sur les lèvres, elle marcha, droite, belle, vivante. Mais au moment où elle ouvrit les yeux, la robe s'effaça comme un mirage, et l'espoir se dissipa avec la brume du matin. Ne restait que le souvenir tendre d’un rêve, et la conscience aiguë de la limite à ne pas franchir.
Et quand, la nuit, elle entend la chanson, elle ferme les yeux, et la mélodie s’ancre doucement en elle, sans qu’aucune réponse ne soit dite, gravée comme une empreinte silencieuse.
Et l’image reste, non pour la blesser, mais pour lui rappeler qu’elle est encore femme, avec ses désirs brûlants, ses élans secrets, mais aussi ses frontières. Une femme qui s’embrase dans le songe, mais qui, une fois le jour levé, redevient La prude, celle qui garde en elle ce feu intact, sans jamais l’offrir à celui qui appartient à une autre.
Un Temple silencieux, habité par le désir, mais scellé par la dignité — et qui, peut-être un jour, s’ouvrira à celui qui viendrait à elle, libre d’aimer sans partage.
La Prude et Le Courageux de Aude Volny-Anne

